À l'écoute du regard
Monographie de Hughes de la Taille, textes de Nicole Hardouin et coll., Ed. Les Deux Rives, 2013
Monographie de Hughes de la Taille, textes de Nicole Hardouin et coll., Ed. Les Deux Rives, 2013
Hughes de la Taille, avec ses compositions très structurées, est le peintre du détail. À travers des couleurs en fusions ou feutrées, il revisite les lieux et nous les fait redécouvrir. À nous de savoir regarder, donc entendre.Toutes les toiles d'Hughes de la Taille portent en elles un langage qui permet d'établir un dialogue avec l'autre. Elles sont soutenues par la passion, l'humanisme d'un homme libre, généreux à l'écoute. Il aime l'autre sans jugement, il l'aime dans la nuit, le pourpre, la grisaille, la souffrance. Pour lui , jamais rien n'est vain ; partout l'amour est présent. Il peint avec les couleurs du cœur.
N.H.
N.H.
Rousseur incendiaire
Images colorées et songes en jachère, tourne la page,
lis-tu ?
Jambes et bras noués, nudité déserte, retiens les chimères.
Lune rousse en reflet sur une couverture non froissée,
illusoire voyage nocturne.
Cache cette incendiaire chevelure.
Le Minotaure veille.
Ariane, déplie tes fils, sors de ton labyrinthe livresque,
la vie t'attend.
Les barrières se brisent, naissent des jardins d'Arabie, des contes odorants,
cours, retiens les paroles murmurantes et la source audacieuse.
Rousseur démoniaque,
pour quel ange déchu ?
N.H.
Le dernier vers du Faust de Goethe : cet éternel féminin qui nous tire vers le haut, Hughes de La Taille l'a fait sien. Sa sensibilité, son amour pour le Féminin, son regard sur la nature, sur son environnement lui permettent de magnifier la vraie vie, en allant du possible à la volupté, en passant par la méditation devant, par exemple, un bord de Loire, pour aller parfois jusqu'à la résignation.
Selon ses fantasmes, la femme est multiple, tour à tour pulpeuse, offerte, comblée, songeuse.
Certaines donnent une sensation de plénitude comme si elles avaient retrouvé le secret de l'Origine, de l'éblouissement initial avec ce qu'il a de sacré.
Ses nus ne sont pas du voyeurisme, ce sont des odes au Féminin dans sa diversité.
N.H.
Les trois tableaux ci-dessus sont d'Hughes de la Taille
Cheminement et Labyrinthe
Catalogue de l'exposition rétrospective de Gérard Bouilly, collégiale Saint-Pierre-le-Pueillier, Orléans, 1985
Textes de Nicole Hardouin
La toile, brèche sur l'intériorité de l'artiste, est un lieu de devenir : elle demande qu'on lui réponde par une connivence d'âme qui passe par l'écoute du regard.
Nous sommes faits pour être touchés et l'oeuvre de Gérard BOUILLY exerce une surprenante fascination sur ceux qui, dépassant le trait, la couleur, la composition, ne s'arrêtent pas sur l'apparence, mais perçoivent l'intention. (B. Duplessis, critique d'art, in Art actualité magazine, 1991)
Peindre est un acte solitaire, presque sacré. Le peintre, par l'effort de concentration, la rigueur du trait, le jeu de la couleur, la pulsion de l'émotion, essaie de retrouver les traces d'une genèse enfouie en lui, ce dans une inquiète incessante. A la lisière de cette angoisse, le peintre se dédouble et ce dédoublement cherche l'autre pour réaliser l'identité de l'harmonie. C'est la Quête du Graal de Gérard BOUILLY.
L'écoute de ses toiles est une célébration qui participe du dialogue liturgique avec l'invisible... L'artiste est hanté par les mondes perdus, par la musique des sphères : il en garde les résonances, il sait en restituer les tremblements secrets et les interrogations...
Sensualité des éléments, recherche du devenir de toute complétude, l'artiste est à l'écoute d'un paradis entrevu car perdu.
Si l'alchimie est l'art de délivrer l'âme de la matière, alors, oui, Gérard BOUILLY est un alchimiste...
La palette du peintre est le reflet des harmonies perdues, gardées dans les strates de l'âme. Ses bleus ne peuvent laisser insensibles. Ce sont les bleus du premier jour... Les bleus de Bouilly sont un vivier d'une richesse complexe infinie...
Si, seul, l'instant de la création abolit le paradoxe du temps, entrer dans le chant / champ d'ondes du peintre, c'est retrouver l'heure immobile chère à Baudelaire.
N.H.
Exposition au château du Croc-Chécy (Orléans), toile de Gérard Bouilly : Les Anémones, 1997. Texte de Nicole Hardouin
L'écoute des toiles de Gérard BOUILLY est une célébration participant du dialogue avec l'invisible. Les thèmes habités par le peintre sont : la pierre jamais acérée mais palpitante, l'eau enlacée de bleu, le feu encore frémissant de rêves défroissées, l'arbre dans toute sa puissance universelle, les labyrinthes qui, eux aussi, témoignent, le Féminin, les anémones ( larmes de Narcisse).
Gérard Bouilly libère les accords blottis dans la symphonie forestière, ponctue la ténèbre de brasillements, de houles flammées-cantilènes qui explosent en tresses de foudre. Soudain, le pinceau cisèle tendrement les verts nattés d'ambre, prémices d'aurores, calligraphie incantatoire où palpite une cendre toujours renouvelée ( René Char).
À la lisière du silence, le balcon est le lieu où l'artiste s'attarde. Il célèbre là une ample liturgie que nous partageons dans sa respiration, dans l'angoissante hésitation du passage des marges de la nuit au seuil de la lumière. Une onde de braise passe par son oeil sans taie (Antonin Artaud) et le regard perçoit un cri dans le recueillement.
Dans un tournoiement de bleu, le peintre laisse filtrer l'architecture de son souffle, glissement soyeux d'une mémoire douloureuse comme celle d'un songe de vent.
N.H.
Les couleurs d'une oeuvre
monographie du peintre JACQUES BIOLLEY : anthologie (dont un texte de Nicole Hardouin), Ed. Wallâda, 2010
Comme un parfum d’ascétisme
Les paysages de JACQUES BIOLLEY seraient-ils des instants suspendus, des ermitages pour imaginaires ? Sont-ils la confidence d’un paradis perdu ou le partage de fulgurances à venir ? Ou le mystère d’un bonheur insaisissable, magnifié, à portée de rétine ?
Cheminer avec cet artiste dans les méandres des formes, à l'orée de sa lumière, dans les mystères de ses crépuscules est un pèlerinage en quête d’asile. À nous d’en capter les vibrations au gré de ses toiles.
Les Lueurs du matin apprivoisent des échos nocturnes. Sous l'élan de la craie, l’eau tantôt palpite, tantôt s’assagit. Passe alors un bateau dans les éclaboussures de la pénombre. Jour et nuit s’étreignent ; ombre et lumière s’observent. C’est l’heure où Venise chuchote ses rêves. Dans l’aurore chevrotante, la barque file sans trahir les secrets de la rame : confidences entre bois et eau.
Biolley peint ses paysages en poète. Ses rêveries vibrent sous l’apparente inertie d’une nature pétrifiée de chaleur. Ici, les Blés toscans s’étirent, moutonnent dans des plissés bruns. L’œil moissonne un bouquet d’épis sous un ciel outremer. Notre regard titube dans l’insolente touffeur d’un été. Tant de perspectives qui nous attirent au fond de la toile !
Ailleurs, le silence des Matins dorés semble offrir les prémices d’un champ nuptial. Des cyprès voilés de vert, énigmatiques sentinelles rivées à l’humus, fiancent leurs chuchotements aux ocres alentour. On retrouve, cette fois encore, de subtils accords entre dénuement et richesse intérieure : enluminures pour un invisible psautier. Le trait retient l’essentiel, le graphisme épure les perspectives. Sans cesse, l’artiste recrée cette dualité entre simplicité et bouillonnements, entre introspection et émerveillement.Son pinceau accueille la vie, fait danser la lumière. L’artiste jongle avec liesse dans ses Jardins du printemps : un paradis perdu ouvre tout à la fois ses confidences et ses fulgurances à venir.
Biolley, sculpteur de l’espace, construit des scènes où la luminosité s’adoucit sur une Fenêtre au couchant. Les troncs, colonnes mordorées, protègent tendrement un arbrisseau. L’ombre des heures vespérales joue à cache-cache avec les arbres phrasés de roux. Leurs branches se tordent, implorent : peut-être voient-elles déjà l’abécédaire du feu, le flamboiement de l’âtre ? Il y a dans l’air un tremblement, quelque chose qui s’achève. L’instant hésite entre géhenne et paradis : voilà qu’un mystère sécrète du bonheur à portée de rétine.
Chaque toile de Biolley est un jardin à explorer, une promesse de fruits dans l’opulence de la maturité. C’est un refuge pour l’averse à venir. Il y a, dans ses blés murs, des prières de moniales et la permanence d’un questionnement.
Peindre, comme écrire, c’est éparpiller, fixer ses braises, faire surgir des sources dans le désert, tracer des continents, explorer ses propres entrailles. Aller au plus profond de son être, dans les strates de son âme : là, précisément, où se rangent la plume du poète et la palette du peintre. Là où s’égrainent le bleu, l’or et le fauve des floraisons.
Que le monde se contorsionne, que les horloges s’affolent ! On finira toujours par humer les toiles de Jacques Biolley, comme un parfum d’ascétisme.
N.H.
Initiatrice, Jacques Biolley, 34 x 56 cm, 1993
Visages
Texte de Nicole Hardouin sur des toiles de Gil Pottier
Visage qui es-tu ? dans la lumière matricielle , lier, délier l'infinitude de l'invisible avec les mots de l'envers, ceux qui se déploient quand les ourlets sont décousus.
Mots de l'endroit ceux qui tentent encore, mots réverbères , mots calice pour offertoire interdit donc dit, mots tissés dans les murs du silence, comme les murs du labyrinthe de Dédale, murs aveugles avec l'ambiguité de mille chemins qui se rompent, s'entrecroisent mais d'où l'on ne revient pas sauf à casser le fil d'Ariane.
Visage aux mots entrelacés, aux mots foudre de Blake.
Visage, je te connais, je ne te connais pas.
Visage venu, revenu qui êtes-vous ?
Toi, vous qui habitez précisément.
Là où on n'habite pas ?
Visage des soirs où l'homme est nu dans dans sa grande déchirure.
Visage qui tire l'aube de la nuit comme la femme tire l'eau du puits à Samarie.
Visage, ton visage, votre visage, lié délié, relié dans l'épaisseur des murs de vent, visage couturé.
Visage, votre visage qui naît d'une histoire qui porte encore le sel des antiques marées, visage qui s'origine en créant dans le souffle-soufre de la page avant que temps ne s'efface et t'efface,
Visage inscrit dans la sinuosité de la chair, visage, mon visage, le votre, le mien, inscrit sur le chemin où il n'y a pas de chemin.
Tourbillon, valse lente à l'envers à l'endroit qui taille les corps jusqu'à la moelle.
Visage, il neige sur la lisière de votre hanche.
Le grésil a froid.
N.H